31 sénateurs courageux qui veulent sortir de cette hypocrisie cannabienne
Dans une tribune publiée ce mercredi dans le quotidien français Le Monde, un collectif de 31 sénateurs, dont notre sénateur Jérôme Durain, du groupe Socialiste, écologiste et républicain appelle à légaliser le cannabis en France. Représentés par Gilbert-Luc Devinaz, appelant à la concertation en vue de légaliser le cannabis sur le territoire français.
«Que nous le voulions ou non, il s’agit d’un sujet de société dont les pouvoirs publics doivent se saisir», estiment les sénateurs, dont Laurence Rossignol, ex-ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.
SITUATION INTENABLE
«La situation est intenable». C’est le constat fait par ce collectif de sénateurs de gauche face à la problématique du cannabis en France. Les législateurs tiennent «à apporter [notre] pierre à l’édifice, sans parti pris et dans la perspective d’une législation efficace».
Le groupe met alors en évidence les deux possibilités légales : la dépénalisation et la légalisation. Pour la première, il s’agirait d’une fausse bonne idée : «Ce serait un renoncement des pouvoirs publics qui s’amputeraient eux-mêmes des moyens d’agir. Il s’agirait d’acheter la paix sociale avec un certain cynisme».
Seule la législative pourrait, selon eux, permettre de «contrôler la qualité sanitaire des produits consommés, freiner grandement les trafics au bénéfice des zones sinistrées et de développer des plans de prévention de grande ampleur, financés par la taxation des produits et par le redéploiement des moyens de répression».
«Sans minimiser l’impact sanitaire de la consommation du cannabis, nous considérons, à l’instar des politiques publiques existantes pour le tabac et l’alcool ou encore les jeux d’argent, que la légalisation donnera les moyens d’agir plus efficacement pour protéger davantage nos concitoyens et notamment notre jeunesse», soulignent-ils.
1,5 MILLION DE CONSOMMATEURS RÉGULIERS EN FRANCE
Face à cet ensemble de bénéfices possibles, les sénateurs annoncent, à travers cette tribune «entamer une démarche de concertation large pour déposer dans les mois à venir une proposition de loi pour répondre à cet enjeu». Avant d’assurer que «l’opinion publique est prête, il faut que le législateur agisse».
L’opinion publique reste divisée sur la question. Toutefois, en 2021, pour la première fois, une majorité de Français (51%) se disaient «plutôt favorables» à la dépénalisation, selon l’institut Ifop. En 2019, une enquête de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies révélait que 45% des Français se disaient favorables à une légalisation.
En termes juridiques, la production et la consommation de cannabis sont illégales. La possession est un délit passible d’un 1 an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende, tandis que le trafic peut conduire à une peine de 10 ans de prison et 7.500.000 euros d’amende.
Le candidat, le Président Macron… à géométrie variable
Pas contre
Au micro de France Inter, en septembre 2016, la position d’Emmanuel Macron sur la légalisation du cannabis semblait plutôt claire : pas contre, il lui trouvait même des intérêts.
“Aujourd’hui, le cannabis pose un problème de sécurité, de lien avec la délinquance dans des quartiers difficiles, de financement de réseaux occultes. On voit bien que la légalisation du cannabis a des intérêts de ce point de vue. Et a une forme d’efficacité. […] Quand on regarde d’ailleurs l’incapacité qu’ont les magistrats à régler le problème d’un point de vue pénal, on voit que nous sommes dans un système très hypocrite […]. Donc je ne suis pas contre [la légalisation], si cette réponse provisoire peut être la mienne aujourd’hui.”
En 2017, virage à droite, il ne croit plus à la dépénalisation
Mais, en février 2017, dans une interview accordée au Figaro, le candidat Macron a opéré un virage à droite. À la question “Vous n’êtes donc pas pour une dépénalisation du cannabis ?”, il répondait : “Non ! Je ne crois pas à la dépénalisation des ‘petites doses’ ni aux peines symboliques. Cela ne règle rien.”
Une amende forfaitaire
Après le vote du dispositif par l’Assemblée nationale en 2018, et après une expérimentation dans plusieurs villes de France, l’amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants est entrée en vigueur sur tout le territoire français en septembre 2020.
Concrètement, les consommateurs de cannabis doivent systématiquement payer une amende lorsque l’infraction est constatée (un “quoiqu’il en coûte” inversé). Si l’un des arguments était de désengorger les tribunaux, la possibilité laissée aux forces de l’ordre d’engager des poursuites pénales ne va clairement pas dans le sens d’une dépénalisation.
Première déclaration de guerre de la Macronie à la drogue et aux consommateurs de cannabis ? En tout cas, pas la dernière.
Eradiquer par tous les moyens les trafics de stupéfiants
Avant même d’avoir terminé la “guerre” contre le coronavirus, Emmanuel Macron a déclaré dans une interview au Figaro, en avril 2021, qu’éradiquer les trafics de stupéfiants était “la mère des batailles”, rien que ça.
“Ces trafics forment la matrice économique de la violence dans notre pays. Les éradiquer par tous les moyens est devenu la mère des batailles, puisque la drogue innerve certains réseaux séparatistes mais aussi la délinquance du quotidien, y compris dans les petites villes épargnées jusqu’ici. Ne laisser aucun répit aux trafiquants de drogue, c’est faire reculer la délinquance partout.”
Un grand débat sur la légalisation du cannabis…! (un de plus…!)
Dans cette même interview, le président affirmait qu’il fallait “lancer un grand débat national sur la consommation de drogue et ses effets délétères”. En marche vers une (r)évolution sur le sujet du cannabis ? Que nenni ! Ce projet semble être resté lettre morte et voilà qu’en septembre 2021, Emmanuel Macron a ciblé les consommateurs de drogue qui, selon lui, “sont des complices” des trafiquants.
Un président-candidat pas favorable à la légalisation du cannabis
Ce sont ses mots et, cette fois, ils sont clairs. Lors de la présentation de son programme, le 17 mars dernier, à la fin des questions posées par les journalistes, Emmanuel Macron l’a affirmé : “Je ne suis pas favorable à la légalisation du cannabis.”
Alors, à l’instar de ses atermoiements et pirouettes sur la question des retraites, le président-candidat reviendra-t-il sur ses positions ? Serait-ce un choix stratégique intéressant pour une “opération séduction” de l’électorat de gauche ? N’en déplaise à ses soutiens de droite, pour qui cannabis rime avec délinquance avec, en tête de chœur, Nicolas Sarkozy.
Combien faudra-t-il attendre (quelques semaines, un quinquennat…) pour savoir si le président Macron annoncera, comme beaucoup, parlementaires compris, le souhaitent, un jour, la fleur (de cannabis) au fusil, une légalisation en France ? Ou tout au moins un vrai débat et pas uniquement la pensée du ministre de l’intérieur …!
Position du Syndicat Alliance de la police nationale
À la demande de Mme Catherine Conconne, sénatrice, la Division de la Législation comparée du Sénat a procédé à l’actualisation de l’étude de législation comparée LC238 sur la dépénalisation de la consommation du cannabis à usage récréatif, publiée en novembre 2013.
Cette étude actualisée présente l’évolution du cadre juridique relatif à la consommation, la détention, la vente et la culture du cannabis dans les huit pays de l’étude initiale (Allemagne, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni – Angleterre – et Suisse) et élargit son périmètre à trois pays ayant légalisé le cannabis sur tout ou partie de leur territoire (Canada, États-Unis – Californie – et Malte). À l’instar de l’étude de 2013, les régimes particuliers de consommation et de vente du cannabis à des fins thérapeutiques ne sont pas étudiés.
Les développements ci-après se concentrent sur les principales évolutions législatives observées depuis 2013, tandis que le tableau présente un panorama synthétique par pays.
Étude de législation comparée n° 306 – juillet 2022 – La dépénalisation et la légalisation du cannabis
- LA DÉPÉNALISATION ET LA LÉGALISATION DU CANNABIS
- 1. L’ensemble des pays étudiés a dépénalisé la consommation du cannabis, à l’exception de la Suisse
- a) En Suisse, la consommation de cannabis demeure une infraction pénale
- b) Au Portugal et en Espagne, la consommation de cannabis est une infraction administrative
- c) Dans les pays ayant légalisé et régulé le marché du cannabis, la consommation est autorisée sauf pour les mineurs
- d) Dans les autres pays, la consommation de cannabis ne constitue pas une infraction
- 2. La détention d’une faible quantité de cannabis à usage personnel est autorisée ou tolérée dans une majorité de pays
- 3. La légalisation de la vente et de la culture du cannabis tend à progresser dans le monde, même si elle demeure une exception
- TABLEAU DE SYNTHÈSE
- 1. L’ensemble des pays étudiés a dépénalisé la consommation du cannabis, à l’exception de la Suisse
Juillet 2022
– LÉGISLATION COMPARÉE –
NOTE
sur
LA DÉPÉNALISATION ET LA LÉGALISATION DU CANNABIS
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– Allemagne – Canada – Danemark – Espagne – États-Unis (Californie) – Malte – Pays Bas – Portugal – Royaume-Uni (Angleterre) – Suisse
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Cette note a été réalisée à la demande de la sénatrice Catherine Conconne.
AVERTISSEMENT
Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs, à partir de documents en langue originale, par la Division de la Législation comparée de la direction de l’initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d’engager le Sénat.
LA DÉPÉNALISATION ET LA LÉGALISATION DU CANNABIS
À la demande de Mme Catherine Conconne, sénatrice, la Division de la Législation comparée du Sénat a procédé à l’actualisation de l’étude de législation comparée LC 238 sur la dépénalisation1(*) de la consommation du cannabis à usage récréatif, publiée en novembre 2013.
Cette étude actualisée présente l’évolution du cadre juridique relatif à la consommation, la détention, la vente et la culture du cannabis dans les huit pays de l’étude initiale (Allemagne, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni – Angleterre – et Suisse) et élargit son périmètre à trois pays ayant légalisé le cannabis sur tout ou partie de leur territoire (Canada, États-Unis – Californie – et Malte). À l’instar de l’étude de 2013, les régimes particuliers de consommation et de vente du cannabis à des fins thérapeutiques ne sont pas étudiés.
Les développements ci-après se concentrent sur les principales évolutions législatives observées depuis 2013, tandis que le tableau présente un panorama synthétique par pays.
Dans les pays européens, peu de changements de régime juridique ont eu lieu depuis dix ans. Mais la décennie passée a été marquée par l’émergence de différents modèles de légalisation et de régulation du cannabis dans trois pays du continent américain (le Canada, certains États des États-Unis comme la Californie et l’Uruguay), qui tendent à inspirer des États européens. Ainsi, Malte a franchi le pas vers la distribution légale de cannabis à des fins récréatives en décembre 2021. Le gouvernement allemand a annoncé son intention de légiférer en la matière en 2022, tandis que les Pays-Bas et la Suisse ont autorisé des expérimentations de vente encadrée de cannabis récréatif censées débuter prochainement.
LE TEXTE Complet de l’étude (PDF)
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