Ce samedi 17 novembre, parking du Géant Casino, 13h30, ils sont environ 500 à écouter Yves Kremeur le responsable sécurité des Gilets jaunes et Isabelle la coléreuse, responsable des Coléreux du 71. Le mot d’ordre donné est « sécurité : on ne bloque pas, on filtre, on ne casse pas, on est mécontent, voire plus, mais on est responsable. Les Gilets jaunes se dispersent ensuite sur des ronds-points de Chalon : Lux, autoroute Chalon Nord, St Marcel, Champforgeuil… Le matin, c’était plutôt les ponts qui étaient visés.
Ils sont nombreux au rond-point de l’autoroute et devant l’entrée/sortie de l’autoroute Chalon Nord. Le rond-point est sécurisé par la police et l’entrée de l’autoroute par la gendarmerie. Les forces de l’ordre sont là, à la fois pour sécuriser les manifestants, mais aussi les usagers en voiture. Il faut éviter les dérapages, les débordements possibles, c’est la volonté à la fois des Gilets jaunes et des forces de l’ordre. Tout doit se passer correctement. L’ambiance est globalement bon enfant.
Le mouvement né sur les réseaux sociaux de ville en ville est protéiforme et amateur. En fait, il y a autant de mouvements Gilets jaunes qu’il y a de villes et parfois de ronds-points… On est, comme, ils le disent dans un mouvement citoyen et spontané. On est loin des manifestations syndicales et politiques avec des leaders, des mots d’ordre, des forces de sécurité interne. Beaucoup de Gilets jaunes manifestent pour la première fois, d’autres ont plus d’habitude, et plus de savoir-faire… Aucun ne se revendique d’un mouvement politique ou syndical.
Certains étaient anti-macron même avant l’élection, d’autres sont des macronistes déçus et beaucoup sont ni anti ni déçus du Président. Ils sont là pour crier leur colère, leur souffrance, leur ras-bol. La hausse des taxes du carburant n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les mesures prises par le gouvernement (CSG pour les retraités, la limitation à 80 km, taxes diverses et variées, matraquage fiscal, suppression ISF, radars, affaire Benalla…) les étouffent. Ils ont l’impression de payer, eux qui sont souvent dans des situations difficiles, pour les riches. “Macron….Président des riches” clament certains. Un manifestant nous confie “Nous, on a toujours été plumés pour que les Riches vivent mieux, mais là, c’est avec le mépris… ». Les petites phrases du Président… il n’y a qu’à traverser la route pour trouver du travail… les heurtent profondément… comme si cela était si facile…
Ils ne croient pas à cette taxe carburant pour améliorer l’environnement, l’argent récolté ne servant pas à uniquement à cela. Ils se moquent de l’aide de 4 000 euros pour acheter une voiture moins polluante… Comment acheter un véhicule quand on n’a presque rien. Quant à la voiture électrique écolo… certains font remarquer : d’où vient l’électricité pour recharger les batteries, les métaux pour les recycler, comment on va les recycler ces dites batteries ? Ils parlent des bateaux tankers, des avions tellement plus pollueurs que leur simple petite voiture dont certains ont vraiment besoin pour travailler. Là où ils habitent, pas toujours de transports en commun adapté, de tram… On n’est pas à Paris ici… !
Au début, l’entrée et la sortie de l’autoroute (qui sont rendus gratuites un long moment) sont filtrées selon les consignes, puis c’est un filtrage long (15 minutes) et certains demandent un blocage total. Les véhicules de secours et les voitures ayant un enfant à bord passent sans problème. Un camion polonais attend lui, patiemment, une heure. Dans l’ensemble les bloqués sympathisent, comprennent, ont le gilet jaune dans le véhicule, klaxonnent… Certains sont contre ce mouvement et par stratégie, nous disent-ils, mettre le gilet en évidence… Il vaut mieux s’attirer la sympathie des bloqueurs…
Un mécontent bloqué sort de sa camionnette pour en découdre et forcer le passage. L’intervention des gendarmes permet d’éviter l’affrontement. Le mécontent fait demi-tour à la demande ferme des gendarmes et reprend l’autoroute pour sortir à Chalon sud qui n’est plus bloqué. Quelques propos racistes sont parfois proférés, réprimés par la majorité. Très vite des feux de camp sont allumés sur la chaussée de l’entrée de l’autoroute au grand dam du Responsable de la sécurité des Gilets et autour du rond-point. Un moyen de se signaler et de se réchauffer. Certains mettent dans le brasier des plots plastiques de l’autoroute avec une utilité à démontrer.
Pendant ces 7 heures de notre présence sur le lieu, vers le début, un seul incident qui aurait pu mal tourner. Une voiture de gendarmerie veut rejoindre le poste de gendarmerie de l’autoroute. Elle est fermement bloquée. L’intervention d’un officier de gendarmerie et de Gilets jaunes modérateurs évite un affrontement qui aurait pu vite dégénérer avec une foule jaune et des forces de l’ordre pour certains fortement armés.
La gestion du filtrage est floue, les organisateurs perdent vite la maîtrise totale du lieu. La décision se veut collective, populaire… “Pas de chefs, tous chefs”. Il n’y a pas de leaders, même si des personnalités s’imposent un peu, beaucoup… même, c’est ce qui caractérise ce type d’action non organisée. Un peu d’alcool (un moyen d’avoir moins froid ?), mais cela reste très marginal.
La nuit tombante, le froid étant présent, les véhicules de l’autoroute étant incités à sortir à Chalon Sud, le groupe s’amenuise et se regroupe au rond-point pour continuer le barrage filtrant. Ils sont déterminés à rester là… toute la nuit et à revenir demain dimanche, lundi en espérant le soutien des routiers. A un moment un véhicule type Espace s’arrête pour offrir, avec le sourire, une tournée de thé à la menthe…
Voir les lives sur notre page FB et bientôt notre reportage vidéo
Le mouvement a continué le dimanche : voir notre article et le communiqué du Préfet
On estime (mais l’ampleur est très difficile à évaluer) que samedi, en France, 300 000 personnes se sont mobilisées. Il y a eu 1 mort, environ 400 blessés et 280 interpellations. Il n’y a pas d’appels des syndicats de routiers à se joindre aux Gilets lundi…
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[…] Voir l’article papier consacré à ce premier jour des Gilets jaunes (mise en ligne le 17 novembre) […]
[…] a été prise le 17 novembre à l’entrée de l’autoroute Chalon Nord – voir notre reportage écrit sur cet après-midi et notre vidéo. Quant au texte du communiqué ci-dessous, il n’engage […]