La vie de Mila a changé le 18 janvier à cause d’une vidéo publiée sur Instagram. Ce jour-là, l’adolescente iséroise de 16 ans s’est filmée en direct et a discuté avec des internautes. Parmi eux, un garçon qui la «draguait lourdement» et une fille qui lui a posé une question sur son orientation sexuelle, a-t-elle expliqué lundi sur le plateau de «Quotidien». «Elle m’a dit qu’elle n’aimait pas particulièrement les rebeus et les noires. Donc je lui ai dit que c’était pareil pour moi, que ce n’était pas particulèrement mon style. Et ce garçon qui me draguait au début a commencé à m’insulter de « sale pute, sale lesbienne, sale raciste et j’en passe. Et il m’a beaucoup insultée au nom d’Allah», a-t-elle ajouté.
C’est à ce moment-là que l’adolescente en seconde a décidé d’évoquer la religion dans la vidéo qui lui a attiré un torrent de critiques sur les réseaux sociaux. «Avant de publier cette story, j’ai reçu beaucoup de messages insultants et très menaçants», des messages de personnes qui la «harcelaient terriblement» s’est-elle encore défendue. «Ça m’a révoltée de voir ça et c’est à ce moment là que j’ai décidé de faire cette story». Dans cette dernière, elle déclare : «Je déteste la religion, l’islam est une religion de haine, il y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde. Je ne suis pas raciste, on ne peut pas être raciste d’une religion» ou encore : «Votre religion c’est de la merde, votre Dieu je lui mets un doigt dans le trou du cul».
Une fois en ligne, la portée de cette vidéo a dépassé Mila, qui est devenue la cible de menaces de mort, menaces de viol et d’insultes sur les réseaux sociaux, dont certaines envoyées par des camarades de son lycée. Pour sa sécurité, et en accord avec ses parents et son établissement scolaire, l’adolescente a quitté l’école. «Ma vie est clairement en pause. Que ce soit sur ma vie sociale, sur les réseaux sociaux, sur ma scolarité (…) je n’étais pas en sécurité dans mon établissement», a-t-elle encore expliqué face à Yann Barthès lundi. «J’aurais pu être brûlée à l’acide, j’aurais pu être frappée. J’ai été menacée d’être déshabillée en public, d’être même enterrée vivante. Je n’étais pas en sécurité, j’étais obligée d’abandonner mon lycée».
La vidéo que Mila a tourné fin janvier dans sa chambre d’adolescente est devenue celle de la défense du droit au blasphème pour certains. En France, il est possible d’insulter une religion, pas une personne en raison de son appartenance religieuse. Le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri, tout en se disant «contre» le fait que cette adolescente de l’Isère ait été menacée de mort sur les réseaux sociaux, avait estimé vendredi sur Sud Radio : «Qui sème le vent récolte la tempête». «Elle l’a cherchée (la polémique), elle assume. Les propos qu’elle a tenus, les insultes qu’elle a tenues, je ne peux pas les accepter».
Cette déclaration a été condamnée par Marlène Schiappa. «Je trouve que ce sont des propos criminels, ce sont des propos coupables», avait réagi la Secrétaire d’Etat chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. La ministre de la Justice Nicole Belloubet avait estimé sur Europe 1 mercredi que «dans une démocratie, la menace de mort est inacceptable (…). L’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave, mais ça n’a pas à voir avec la menace (de mort, ndlr)». La ministre avait ensuite plaidé la maladresse et assuré notamment ne pas remettre en cause «le droit de critiquer la religion».
Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a lui pris la défense de Mila devant le Sénat tandis que le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a condamné le 30 janvier les «appels à la haine» et martelé que «quand une élève est menacée, notre travail est de la protéger». L’ancienne candidate socialiste Ségolène Royal a quant à elle fait savoir sur le plateau de France 3 dimanche qu’elle n’inscrirait pas le hashtag #JesuisMila sur son compte Twitter. «Il y a une liberté de critiquer la religion. Mais moi je refuse de poser le débat sur la laïcité à partir des déclarations d’une adolescente de quinze ans. Ce n’est pas à partir de comportements comme ceux-là qu’on peut poser sérieusement la question de la laïcité», avait-elle affirmé. «Revenons à des choses sérieuses. Si cette adolescente qui est peut-être encore en crise d’adolescence, avait dit la même chose sur son enseignant, sur ses parents, sur sa voisine, sur sa copine, on aurait dit simplement « un peu de respect ». Critiquer une religion ça n’empêche pas d’avoir du respect».