Passer du journalisme à la politique est devenu chose courante ; fonder un parti politique quand on est directeur d’un journal l’est moins. Surtout en plein cœur de l’été. C’est pourtant ce que projette Laurent Joffrin, ex-directeur de la publication et de la rédaction de Libération, qui a annoncé le lancement d’une association pour recomposer la gauche, dans un appel intitulé « Engageons-nous », publié par l’Agence France-Presse, dimanche 19 juillet.

Accompagné de 130 personnalités du monde de la culture, intellectuels, artistes, militants associatifs, cadres d’entreprise et anciens syndicalistes, l’éditorialiste entend redonner du souffle à la gauche réformiste afin qu’elle redevienne « centrale ». Les municipales ont créé un « espoir » à gauche en permettant à cette dernière d’emporter plusieurs villes et métropoles, assure le manifeste. Mais le succès rencontré à l’échelle locale n’est pas reproductible au niveau national en l’absence d’un programme « crédible », construit « pour gouverner ». Laurent Joffrin et ses amis – entre autres, les artistes Agnès Jaoui et Ariane Mnouchkine, les sociologues François Dubet et Michel Wieviorka, la femme de lettres Noëlle Châtelet, la journaliste Laure Adler ou encore l’universitaire Dounia Bouzar – déplorent que la gauche réformiste ait laissé, depuis sa défaite en 2017, le champ libre à Emmanuel Macron face à Marine Le Pen.

Ils veulent créer une « force centrale », seule capable de porter une candidature en 2022 qui ne soit pas de témoignage, comme le seront, selon eux, celles des écologistes et des « insoumis ». Pour ce faire, il faut, selon les initiateurs, inventer un troisième courant qui unifie les partis réformistes – Parti socialiste (PS) et Parti radical de gauche –, mais aussi des déçus du macronisme et des personnalités de la société civile. Le journaliste de 68 ans explique qu’il ne se résout pas à voir le PS (dont il fut membre) « s’effacer ». « Il faut réaffirmer des valeurs et des propositions pour que cette gauche-là existe, dit-il. Je veux plaider pour l’émergence d’un nouveau mouvement politique, citoyen, où l’écologie ne domine pas tout. » Les mots ressemblent à s’y méprendre à ceux de certains caciques du PS, comme aux critiques mezza voce de François Hollande et Bernard Cazeneuve. Ces derniers ont la dent dure contre la direction socialiste emmenée par Olivier Faure, qu’ils accusent de brader le parti en disparaissant dans la « social-écologie ».

A la direction du PS, on voit d’ailleurs plus que l’ombre de l’ancien chef de l’Etat derrière l’appel de Joffrin. « C’est une rampe de lancement pour sa candidature. Cela fait des mois que Hollande cherche une fenêtre par où rentrer dans la vie politique. Mais il ne se rend pas compte que personne ne veut de lui, car s’il y a bien un truc qu’on nous reproche, c’est son quinquennat », critique un proche de M. Faure.

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