Hôpital de Chalon, les médecins montent aussi au créneau

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Communiqué de Presse : lettre de 120 médecins de l’Hôpital de Chalon

Madame la Directrice,
Monsieur le Directeur délégué,
Mesdames et Messieurs les membres de la direction,
Chalon sur Saône, le 26/09/2018,

Nous signataires, médecins du Centre Hospitaliser William Morey, souhaitons interpeller les instances de l’hôpital quant aux choix politiques et managériaux décidés pour notre établissement.
Notre mission et notre finalité en tant que médecins et soignants sont de proposer des soins adaptés, de qualité tout en garantissant la plus grande sécurité au patient.
Nous avons conscience que notre devoir institutionnel est d’essayer autant que possible d’être efficients, d’améliorer et d’optimiser les durées de séjour de nos patients afin de garantir des recettes suffisantes à notre établissement pour permettre sa pérennité (pour nous, mais aussi pour les usagers et la survie de l’hôpital public).
Mais des soins efficaces et de qualité nécessitent obligatoirement de garder, voire de renforcer la vraie force vive de notre établissement : le personnel soignant, au chevet du patient, et les équipes qui permettent aux soins d’être prodigués. Sans soignant, point de soins et point de recette !
Dilapider ce capital humain indispensable (raison d’être d’un établissement de santé) est donc un choix dangereux !
Vous nous demandez de faire de plus en plus d’économies sur les dépenses et en particulier sur le personnel, donc de « rogner » sur les petites mains qui sont auprès du patient et qui font le boulot : plus de création de poste, suppression ou forte diminution des pools de remplacement, non remplacement des arrêts, suppression du nombre de cadre, suppression des temps de repos ou des RTT, etc. S’il faut faire des efforts, concessions et s’il faut réorganiser peut-être le temps de travail, n’oublions pas que le « produit final » de « l’entreprise Hôpital », puisque c’est comme cela qu’on veut actuellement gérer l’hôpital, c’est pourtant le soin donc le soignant ! Avez-vous déjà vu une usine tout faire pour diminuer la quantité et la qualité du produit ou service qu’elle veut vendre ensuite ?

Il y a en effet un seuil en dessous duquel, on ne peut pas espérer gagner sur tous les fronts : moins de soignant et moins de temps soignant engendrent détérioration de la qualité des soins, de la sécurité des soins et allongement de la durée de séjour des patients, aggravant ainsi ce cercle vicieux : moins d’efficience ? Alors encore plus d’austérité !?

Vous nous annoncez la non réduction des postes de titulaires. Mais en mode « dégradé », si il y a moins de personne dans les pools de remplacement et en l’absence de nouvelles embauches pour ces remplacements, qui va combler les postes vides ?
Il y a un risque important à ne pas reconnaitre le travail et la motivation du personnel soignant qui s’investit quotidiennement pour le bien être des patients, mais aussi sa souffrance !
Nous le voyons tous les jours dans tous les corps de métiers : la souffrance est globale !
Pénurie de médecin dans certaines disciplines (par défaut de candidat mais aussi par départs
en raison de conditions de travail insatisfaisantes ou de projets qui n’aboutissent pas),
engendrant difficultés, tensions, fermeture de lits ou d’UF temporaires ou non, ras-le bol du
personnel restant, embauche d’intérim à prix d’or exaspérant et aggravant nos budgets etc.
Pénurie d’aide soignantes et d’infirmières, pools de remplacement utilisés quasi en continu pour pallier aux effectifs manquant alors que la lourdeur des soins et la charge de travail sont toujours plus élevées… et bientôt encore plus dans certains services avec le
redimensionnement à 15 lits. Nous sommes incités à la fois à continuer d’être dans le soin, à être à l’écoute du patient, à évaluer sa douleur, son moral, ses besoins etc. à prendre le
temps de lui expliquer et de le faire participer aux soins, et en même temps à faire toujours plus de tâches administratives et de gestion, à valider ce que l’on fait, à évaluer nos pratiques, à valider nos évaluations auprès des instances, certifications, projets etc. ce qui nous éloigne encore un peu du soin au chevet du patient, seul réellement productif ! Les équipes changent, le personnel ne reste plus sur le même poste, cherchant peut être un peu mieux ailleurs ! Tous les étés, certains services sont obligés de fermer non pas par justification médicale mais pour permettre aux équipes soignantes de prendre leurs congés.
Et demain on nous demandera de ne plus fermer du tout … comment alors organiser les
congés d’été : de février à Novembre ?
Pénurie de cadres : réduction drastique et imposée du nombre de RTT, non remplacement et diminution du nombre de cadres de santé qui se retrouvent parfois à prendre en charge de
manière prolongée voire pérenne plusieurs services avec une mission toujours plus large.
Quid en cas d’arrêt maladie et de congés… Pourtant le lien du cadre avec son personnel
soignant médical et paramédical, et avec les patients et leurs familles est non seulement
indispensable mais représente à notre sens le cœur de métier avant même la gestion de planning ou de projets. Le cadre est la valeur-ajoutée qui fait qu’un service est attractif,
dynamique, que les relations médicales et paramédicales sont bonnes et qui permet surtout
de fluidifier la prise en charge du malade avec les différents intervenant : plateaux
techniques, assistante- sociales, familles, équipes médicales et paramédicales, etc. Fluidifier c’est permettre aussi d’améliorer ou d’optimiser la durée de séjour. L’hôpital a tout à gagner de la présence des cadres dans les services. On leur demande de se réorganiser, de se « recentrer sur leur activité de cadre », d’arrêter de faire ce qu’elle font actuellement, mais c’est au risque de laisser tout un pan de travail fondamental au bon fonctionnement des services, qui ne sera réalisé par personne (sans recrutement dédié), et aura pour seul effet l’augmentation des durées de séjour.
Pénurie de secrétaires : il suffit de voir le nombre d’appels qui n’aboutissent pas, le retard de frappe de courrier, des secrétariats qui fonctionnent en mode dégradé depuis plusieurs mois comme la RCP d’hémato sans que le problème de fond ne soit résolu.
Dans tous les cas c’est la qualité de l’accueil, de l’écoute et de la prise en charge des patients qui est en jeu.

Au-delà des beaux discours venant du ministère ou de l’ARS qui, même au milieu de l’été malgré des urgences débordant et des patients continuant d’aggraver leurs escarres sur les brancards, continuaient à dire que tout fonctionne pour le mieux dans nos hôpitaux, il est temps de se recentrer sur le véritable enjeu : quelle médecine et hôpital public veut-on pour nos patients et pour nous même !?
Arrêtons cette hypocrisie de vouloir à tout prix diminuer le déficit des hôpitaux le temps d’un mandat politique alors que constitutionnellement le législateur organise lui-même le déficit de tous nos hôpitaux de France en diminuant toujours un peu plus la valorisation des séjours et des actes, tandis que l’innovation et la démographie des patients et des maladies chroniques ne font qu’augmenter. Chaque année il faut faire toujours plus avec toujours moins pour espérer avoir autant que l’année dernière…. Ceci n’est pas tenable dans le temps. A activité constante on perd chaque année un peu plus et le déficit s’agrandit !
Réduire la force vive qui fait tourner un hôpital et qui permet aux patients d’être soignés, revient à se tirer une balle dans le pied… et les belles améliorations des EPRD à court terme seront vite oubliées par un hôpital pivot qui s’écroule doucement, des projets qui patinent voire qui ne seront peut-être jamais réalisés alors qu’ils étaient attractifs et motivant pendant des années. Le personnel part ou réfléchit à partir…
Enfin indépendamment du fond, et des réformes à mener, nous pouvons aussi déplorer la forme de ces renégociations des conditions de travail avec une impression de non concertation, de décisions prises au préalable en catimini et qui sont finalement présentées aux instances comme acquises sans véritable discussion.
Le bruit monte dans de nombreux hôpitaux. Des reportages sont réalisés et passent en prime time….

Il est temps de faire remonter à l’ARS et au ministère notre refus de cautionner un tel sabotage de notre établissement et de l’hôpital public.
« Soigner » c’est « prendre soin » ! L’Hôpital public doit un être un lieu où l’on prend soin des patients, donc de chacun de NOUS car aujourd’hui ou demain nous en sommes tous de potentiels utilisateurs !
En espérant que ce texte permette à nouveau des échanges et décisions plus respectueux de tous.
Cordialement,
Les médecins signataires

Lettre à l’administration

1 COMMENTAIRE

  1. […] Peu de médecins sont présents à ce CS parmi les grévistes. Mais dans une lettre signée par 120 d’entre eux, ils rappellent que :  » Nous signataires, médecins du Centre Hospitaliser William Morey, souhaitons interpeller les instances de l’hôpital quant aux choix politiques et managériaux décidés pour notre établissement. Notre mission et notre finalité en tant que médecins et soignants sont de proposer des soins adaptés, de qualité tout en garantissant la plus grande sécurité au patient. Nous avons conscience que notre devoir institutionnel est d’essayer autant que possible d’être efficients, d’améliorer et d’optimiser les durées de séjour de nos patients afin de garantir des recettes suffisantes à notre établissement pour permettre sa pérennité [pour nous, mais aussi pour les usagers et la survie de l’hôpital public]. Mais des soins efficaces et de qualité nécessitent obligatoirement de garder, voire de renforcer la vraie force vive de notre établissement : le personnel soignant, au chevet du patient, et les équipes qui permettent aux soins d’être prodigués. Sans soignant, point de soins et point de recette ! Dilapider ce capital humain indispensable [raison d’être d’un établissement de santé] est donc un choix dangereux !  » suite de la lettre […]

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