Discours de politique générale d’Elisabeth Borne

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« En m’adressant à vous, c’est à la France que je parle ». Il est 15h. Au sein du Palais-Bourbon, l’agitation a laissé place à un silence interrogateur. Comment la Première ministre, jugée parfois trop techno jusque dans ses propres rangs, va-t-elle s’en sortir face à une si large opposition ? Très vite, les premières huées pleuvent. Très vite, Elisabeth Borne montre qu’elle n’est pas du genre à se laisser déstabiliser. « Je sais combien nous sommes attendus. Je ne suis pas femme à me dérober, ni devant les défis, ni devant les débats », lance-t-elle. « Sauf pour le vote de confiance ! », balance la patronne du groupe La France insoumise, Mathilde Panot. Faute de majorité absolue, la Première ministre avait indiqué qu’elle n’engagerait pas sa responsabilité par un vote à l’issue des débats.
Défendant le bilan du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, l’ancienne ministre du Travail assure, aussi, avoir entendu « le message » des électeurs aux législatives. « Par le résultat des urnes, ils nous demandent d’agir et d’agir autrement », dit-elle. « Une majorité relative n’est pas et ne sera pas le synonyme d’une action relative, elle ne sera pas le signe de l’impuissance […] Le compromis, ce n’est pas se compromettre, c’est accepter chacun de faire un pas vers l’autre. Bâtir ensemble ne signifie pas à renoncer à notre identité ». A droite, on se moque gentiment de ces quelques poncifs. « Et l’eau, ça mouille ! », ironise un député LR.

Mais c’est du côté des insoumis que viennent la quasi-totalité des huées. Alexis Corbière et François Ruffin ne laissent que peu de répits à Elisabeth Borne. Elle ne laisse rien transparaître, fixe régulièrement ses opposants avec un léger sourire, comme par défi. Et poursuit, inlassablement. « Je ne corresponds peut-être pas au portrait-robot que certains attendaient. Cela tombe bien, la situation est inédite. Je n’ai pas le complexe de la femme providentielle », s’amuse-t-elle, « j’ai été ingénieure, femme d’entreprise, préfète, ministre… Mon parcours n’a suivi qu’un fil rouge : servir ». Contrant d’emblée les critiques sur son manque d’emphase au micro, elle ajoute : « Je ne suis pas une femme de grandes phrases et de petits mots […] Je crois en trois choses : l’écoute, l’action et les résultats ».

Sur le fond, la cheffe du gouvernement coche les cases attendues : pouvoir d’achat, écologie, travail, sécurité, énergie, sans jamais éclaircir le flou du projet d’Emmanuel Macron. Elle appelle aussi le pays à reprendre le « chemin de l’équilibre » des finances publiques, et se fait de nouveau chahuter lorsqu’elle évoque (très brièvement) l’explosive réforme des retraites. « Oui, nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps », assure-t-elle, déclenchant une bronca à gauche. Elle se tourne cette fois vers Yaël Braun-Pivet, pour que la présidente de l’Assemblée nationale appelle au calme.

Le duel avec les insoumis n’est pas terminé. Ces derniers l’appellent une nouvelle fois à un vote de confiance, en faisant claquer leur tablette. La Première ministre jette un regard noir vers leurs rangs et réplique. « L’heure n’est pas à nous compter, mais à nous parler. La confiance ne se décrète pas a priori, elle se forgera texte après texte. Car nous travaillerons en bonne intelligence, comme nous le demandent les Français ».

Elisabeth Borne évoque ensuite son histoire personnelle. « Si je suis ici devant vous, Première ministre de la France, je le dois à la République. C’est elle qui m’a tendu la main en me faisant pupille de la Nation, alors que j’étais cette enfant dont le père n’était jamais vraiment revenu des camps », confie-t-elle, très émue, évoquant le suicide de son père déporté, quand elle avait 11 ans. Son discours, d’environ une heure trente, n’aura livré aucune surprise. Elisabeth Borne n’est toujours pas un tribun hors pair. Mais elle a montré qu’elle ne flancherait pas face aux critiques. Comme un avant-goût des nombreux débats à venir dans l’Hémicycle.

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