Inondations : on attend la prochaine ou on agit sur les causes ?

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Communiqué de Presse CAPEN 71

L’actualité récente a été marquée par des inondations qui n’ont rien d’exceptionnel (1).
Pourtant, des milliers de victimes, des dizaines de communes n’ont pas fini d’éponger les
dégâts et ne retrouveront pas leur domicile et/ou leur outil de travail en bon état avant
plusieurs semaines. Alors que l’on va chiffrer les dégâts, il s’avère urgent de se pencher sur
les causes.

Les crues précédentes récentes d’importance comparable (2) ont paru déjà effacées dans
la mémoire collective. L’Etat, des communes ont continué en effet à partager la même
incapacité à remettre en cause des modèles de développement urbain, d’aménagement du
territoire, d’utilisation de l’espace de liberté des rivières qui rendent inévitables la
multiplication de crues et d’inondations de plus en plus dévastatrices(3).

SI LES CRUES SONT NATURELLES, ON PEUT LIMITER LEURS CAUSES ET DES
CONSEQUENCES CATASTROPHIQUES

Si les crues et les pluies dites exceptionnelles qui sont à l’origine, existent depuis toujours,
et sont naturelles, elles sont et seront déjà accentuées par les aléas climatiques. Mais leurs
conséquences ont été considérablement aggravées par une gestion calamiteuse des milieux
naturels, des espaces périurbains et notamment des terres agricoles.

L’artificialisation des terres agricoles imperméabilise plusieurs dizaines de milliers
d’hectares chaque année en France (tous les 7 ans, la surface d’un département !). Chaque
année, de 2 à 3 millions de M2 d’espaces commerciaux sont autorisés : il est grand temps
d’adopter un moratoire sur la construction de nouvelles surfaces en périphérie urbaine (4)
GARE A LA CRUE CENTENNALE SUR LE VAL DE SAÔNE !

Imaginez un instant qu’à la place de la simulation d’une crue type 1840 sur le chalonnais
(7m28 ..telle que présentée par l’EPTB à une réunion d’information de septembre 2015 – cf
carte des aléas), on nous avait présenté la même « vague submersive » représentant
l’occupation des sols depuis cette date ! On aurait pu visualiser les causes profondes de la
situation actuelle (6,16m à Chalon) : presque tous les espaces d’expansion des crues de la
Saône et de ses affluents ont été méthodiquement remblayés, occupés, imperméabilisés,
souvent endigués. Or depuis une trentaine d’années, nos connaissances sur la vie des
rivières se sont pourtant considérablement améliorées. La législation a suivi cette évolution.

Les SDAGE(s) en témoignent. Pourtant, bien que maintenant réglementairement prescriptifs pour les décisions publiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme ( GEMAPI (5)), il apparaît qu’ils ne sont pas suivis d’effets. Chacun fait valoir son exception, demande des dérogations….ou veut construire illégalement sur des zones humides ( ST GENGOUX …) ou inondables au nom de l’économie.

En même temps que l’on perpétue l’occupation des espaces d’expansion, malgré les
casiers d’inondation prévus par l’EPTB en amont, les haies, les zones humides et ripisylves,
les terres agricoles sont encore sacrifiées, leur rôle déterminant d’éponge avec elles.
L’entonnoir du Val de Saône accumule en plus les effets d’un ruissellement pluvial (5) en
augmentation constante, issu des bassins versants (cf novembre 2014). On sait que
désormais le changement climatique n’arrangera pas cette tendance à des pluies
« exceptionnelles », imprévisibles dans leur localisation précise.

LES CAUSES SONT CONNUES : DES DEFAILLANCES DE GESTION TERRITORIALES

Les dispositions de l’orientation fondamentale N°8 du SDAGE (6) préconisent notamment :
– De préserver les champs d’expansion des crues
– De rechercher de nouvelles capacités d’expansion
– D’éviter les remblais en zone inondable
– De limiter le ruissellement à la source
– De favoriser la rétention dynamique des écoulements
…formant une trilogie : éviter – réduire – compenser.

Pratiquement, aucune de ces dispositions « naturelles » n’est respectée. Quant aux règles
d’urbanisme de constructibilité, il est illusoire de vouloir tracer une limite précise entre le
rouge (inconstructible) et le bleu (sous condition) dans les PLU.
La prévention est indigente et la reconquête totalement ignorée. Les mesures envisagées
pour protéger les riverains inondables du Val de Saône, particulièrement dans les centrevilles (60% de la ville de Chalon est inondable, y compris l’immeuble projeté place Gal de Gaulle…), seraient plus acceptables et convaincantes si elles étaient accompagnées
d’efforts collectifs dans la prévention en amont. Si les citoyens du bassin concernés par les
inondations étaient convaincus que la solidarité amont/aval est réellement et équitablement
partagée, et la prévention (voire la loi..) appliquée par les pouvoirs publics, ils pourraient
mieux accepter les « bons réflexes » coûteux qu’on leur demande de prendre.

Il n’est plus possible de prétendre vouloir « limiter les dégâts » tout en préservant la
même conception du « développement économique ». Il n’y a pas, il n’y a plus de « petits
aménagements » supplémentaires possibles. Leurs effets s’additionnent avec tous ceux
existants et/ou prévus sur l’ensemble du bassin versant et qui ne sont jamais réellement
compensés. Même si tout le monde a de « bonnes raisons » – publiques ou privées – de
déroger. A Chalon, de la construction de l’Hôpital en zone inondable au projet SAÔNEOR, en
passant par les parkings souterrains, le Grand Chalon ne donne pas l’exemple d’une gestion
préventive intégrant la mémoire des risques. Il a pourtant été prévenu (7).
Quand la vraie crue centennale surviendra, on peut être certain que les prévisions seront
dépassées. Il y aura alors des responsables et des coupables, comptables du coût
économique et financier exorbitant de l’inaction ou des décisions irresponsables. Et si la
compassion officielle sera alors de mise, elle risque de rencontrer la colère. C’est aujourd’hui qu’il faut réfléchir, agir et prendre ses responsabilités.

CAPEN 71

(1) Le risque d’inondation est devenu le premier risque naturel en France : il menace en permanence 17 millions de personnes et 9 millions d’emplois (hypothèse basse) . Les risques très importants (TRI) concernent 11 millions d’habitants et 2500 communes. « Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour éviter ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pas pu être prises »
(2) 1970, 1981, 1982, 1983, 2001 …
(3) Ouvèze 1992 : 41 morts ; Nov 1999 dans l’Aude : 35 morts ; XYNTHIA 2010 : 47 morts…48 milliards d’euros ces 20 dernières années ( source AFA)
(4) PETITION NATIONALE d’Agir pour l’environnement : « inondations : stop à la bétonnisation » – https://laissebeton.agirpourlenvironnement.org
(5) La « compétence » GEMAPI des collectivités est effective au 1er janvier 2018 …
(6) SDAGE 2016/2021 : Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux – adopté le 20 novembre 2015 – www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr – L’agence de l’eau édite de nombreux supports pédagogiques.
(7) Document CAPEN consultation PLUi 2015

photos : ChalonTV

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