La cour administrative d’appel de Lyon estime ce mardi que les menus de substitution au porc dans les cantines scolaires « ne portent pas atteinte à la laïcité », donnant ainsi tort au Maire de Chalon-sur-Saône…
« La décision vient de tomber ! Nous avons gagné ! Très belle victoire pour les libertés fondamentales dans notre pays », déclare Karim ACHOUI, président de la Ligue de défense judiciaire des musulmans, à l’origine de la procédure. Il précise à l’AFP : « Un menu de substitution, c’est donner un choix à l’enfant qui, pour des raisons éthiques ou religieuses, ne peut pas manger de viande. Pour nous, c’est un menu végétarien, pas un menu halal ».
Le retour des menus de substitution au porc dans les cantines scolaires se précise donc à Chalon/S. La cour administrative d’appel de Lyon vient en tout cas de donner tort, ce mardi, à la décision du maire (LR) de la commune de Saône-et-Loire, Gilles Platret, d’avoir supprimé ces menus en 2015. « L’existence de menus de substitution aux plats contenant du porc ne porte pas atteinte aux principes de laïcité et de neutralité du service public », estime ce mardi la justice.
Dans son arrêt, la cour administrative d’appel de Lyon précise également que « la pratique consistant à offrir aux élèves fréquentant les cantines scolaires le choix d’un menu alternatif aux plats contenant du porc n’avait provoqué, pendant 31 années [de 1984 à 2015] aucune difficulté particulière en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement du service public de la restauration scolaire ».
L’Arrêté de la cour :
Les faits et la procédure :
Depuis 1984, les cantines scolaires de la commune de Chalon-sur-Saône offraient aux élèves fréquentant les cantines scolaires de ses écoles élémentaires publiques, la possibilité de choisir un menu alternatif lorsque des plats contenant du porc y étaient proposés.
Au cours de l’année 2015, le maire et le conseil municipal de cette commune ont décidé de mettre fin à cette pratique qu’ils ont estimée contraire aux principes de laïcité et de neutralité auxquels sont soumis les services publics.
Une association de défense des droits des personnes de confession musulmane et quelques parents d’élèves ont demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler la décision du maire de la commune et la délibération de son conseil municipal en invoquant notamment l’atteinte portée par ces actes à la liberté de conscience et à la liberté de culte garanties par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le préambule et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 et les articles 9 et 14 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils se prévalaient également de ce que cette pratique ancienne n’avait causé aucun trouble et n’avait pas provoqué de difficulté particulière de gestion ou d’organisation du service.
Par un jugement du 28 août 2017, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à ces demandes en se fondant sur l’atteinte portée par ces actes à l’intérêt supérieur des enfants au sens du premier alinéa de l’article 3 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant.
La commune de Chalon-sur-Saône a interjeté appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Lyon.
L’arrêt de ce jour rendu par la cour :
Par arrêt du 23 octobre 2018, la cour annule le jugement du tribunal administratif de Dijon en raison d’une irrégularité [le tribunal a en effet fondé son jugement sur un moyen qui n’avait pas été régulièrement soulevé devant lui] et, statuant au fond, annule la décision du maire et la délibération du conseil municipal de cette commune.
La cour rappelle :
– que le gestionnaire d’un service public dont la mise en place est facultative (ce qui est le cas des cantines scolaires) dispose de larges pouvoirs d’organisation, mais ne peut décider d’en modifier les modalités d’organisation et de fonctionnement que pour des motifs en rapport avec les nécessités de ce service.
– que les principes de laïcité et de neutralité auxquels est soumis le service public de la restauration scolaire ne font pas, par eux-mêmes, obstacle à ce que les usagers de ce service se voient offrir un choix leur permettant de bénéficier d’un menu équilibré sans avoir à consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses ou philosophiques.
Constatant que la pratique consistant à offrir aux élèves fréquentant les cantines scolaires le choix d’un menu alternatif aux plats contenant du porc n’avait provoqué, pendant les trente et une années qu’elle avait duré, aucune difficulté particulière en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement du service public de la restauration scolaire, la cour retient que les principes de laïcité et de neutralité du service public, seuls invoqués par l’administration communale, ne peuvent légalement justifier qu’il soit mis fin à cette pratique.
Source : Cour d’Appel de Lyon, AFP, Karim ACHOUI
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